Lettre n° 156

Par la grâce de D.ieu,
Mardi 22 Sivan 5704,

Au grand Rav, 'Hassid craignant D.ieu, aux multiples
accomplissements, qui rend le Jugement à Yaakov,
le Rav E. E. Hacohen(1),

Je vous salue et vous bénis,

Par envoi séparé, je vous restitue le livre Veassé Tov, que je vous remercie d'avoir bien voulu me prêter.

J'ai trouvé particulièrement surprenant la conception qu'il développe et mon étonnement est d'autant plus grand que l'expérience des générations passées a montré comment il a été possible de former des milliers, des dizaines de milliers d'hommes animés par la crainte de D.ieu.

Mais, je me suis tranquillisé en m'apercevant qu'il s'insurge contre les premiers Kabbalistes.

Puisque j'évoque ceci, je formulerai quelques remarques sur ce livre:

A) Il dit que se souvenir du Chabbat et le garder sont "un seul et même Commandement parmi les 613 Mitsvot". Il se base sans doute sur le Séfer Mitsvot Gadol, qui explique: "Il est dit, dans le premier énoncé des dix Commandements, «souviens toi du jour du Chabbat» et, dans le second, «garde le jour du Chabbat», mais il s'agit bien de la même Injonction".

Or, on peut s'interroger, à ce propos, car:
1. «Souviens-toi» est une Injonction et «Garde», un Interdit. Comment en faire une seule des 613 Mitsvot?
2. On déduit de l'Injonction «souviens-toi» la nécessité de sanctifier le jour en récitant le Kiddouch sur du vin et de «garde», l'interdiction de travailler pendant le Chabbat, qui n'a cependant pas été comptée parmi les 613 Mitsvot, puisqu'un autre verset dit: "tu ne feras aucun travail".

B) Il dit encore: "Selon le Zohar, il est clair qu'il faut réciter deux bénédictions" pour les Tefilin(2). On peut s'interroger sur cette affirmation:
1. Le Tikouneï Zohar rapporte, à ce propos, une discussion entre le Talmud Babli et le Yerouchalmi. Or, selon le premier, une seule bénédiction suffit et il conclut: "selon le domaine médian(3), une seule bénédiction suffit.
2. Le Chaar Hakavanot mentionne les deux avis et les explique d'après la Kabballa, mais le Peri Ets 'Haïm dit: "On récitera la bénédiction sur les Tefilin de la tête seulement si l'on s'est interrompu, après avoir mis ceux du bras, par une parole". Il est difficile de penser qu'il aurait soutenu une telle position si elle allait à l'encontre du Zohar.

C) Il écrit ensuite: "J'ai vu quelqu'un qui prétend que le temps a également été créé et qu'à l'origine, il n'existait pas. Je ne pense pas qu'un tel avis soit fondé. Comment s'accorderait-il avec le Midrach selon lequel le temps préexistait? Et la Guemara dit que la Torah précéda le monde de deux millénaires"(...).

Or, le Rambam établit clairement que le temps a été créé. C'est aussi l'avis de nombreux grands de notre peuple, Rabbi Saadya Gaon, le Rachba, Rabbi Mena'hem Azarya de Fano, le Sforno.

Et cette objection peut être approfondie. En effet, on distingue le temps qui peut être mesuré, d'une quelconque manière, de la simple chronologie, sans mesure précise. Or, même cette dernière fut créée, comme l'établit le Tséma'h Tsédek et comme le dit aussi le Assara Maamarot.

Et différentes interprétations ont été données du Midrach qu'il cite à l'appui de son affirmation.

La 'Hassidout fait aussi une différence entre le temps et la chronologie qu'évoque le Midrach. Elle considère que la seconde est plus fine que la première et en est la source. Le Tséma'h Tsédek l'explique longuement.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson

Vous citez le traité Be'horot, selon lequel on peut déléguer un émissaire pour effectuer le rachat du premier-né, ce qui n'est pas l'avis du Ramah. En fait, cela signifie seulement que l'on peut donner l'argent au Cohen par l'intermédiaire de cet émissaire. Le rachat proprement dit, en revanche, était fait par le père et non par son délégué, dans le traité Be'horot.

Notes

(1) Rav Efraïm Eliézer Hacohen Yalles, de Philadelphie.
(2) L'une en mettant ceux du bras, l'autre en mettant ceux de la tête.
(3) Capable d'établir la synthèse entre le Babli et le Yerouchalmi.