Lettre n° 153

Par la grâce de D.ieu,
Jeudi 11 Iyar 5704,
Brooklyn,

Au grand et célèbre Rav, aux multiples accomplissements,
qui se consacre aux besoins communautaires avec
abnégation, Rav Elyahou, le docteur Jung,

Je vous salue et vous bénis,

Conformément à votre demande, nous vous avons envoyé, par pli séparé, les tomes 1 et 5 de Sifrénou et quelques spécimens du périodique que nous éditons, en Yiddish et en anglais(1).

D.ieu merci, ces livres ont été d'une grande utilité, dans les Yechivot pour jeunes enfants, les Talmud Torah et les écoles qui les ont adoptés. Peu à peu, le cercle de ceux qui les lisent et les étudient s'élargit et nous sommes convaincus que vous profiterez de votre large influence pour les faire connaître et les introduire dans toutes les institutions éducatives qui sont placées sous votre direction ou s'en remettent à votre jugement.

Dans tous les pays, l'esprit qui règne dans les écoles et la pureté des manuels scolaires de lecture pour les enfants exercent une influence considérable sur la jeune génération. Combien plus est-ce le cas dans ce pays, où, par rapport à d'autres contrées, les parents n'ont que peu d'ascendants sur leurs enfants. Une grande attention doit donc être accordée aux écoles. En conséquence, la sainteté des livres de lecture et d'étude mis à la disposition des enfants est le seul moyen d'atteindre le projet pédagogique.

De cette manière, on peut espérer faire acquérir la droiture à la jeune génération, qui sera bénie dans tous les domaines, même si les conditions de l'environnement et de l'époque n'y sont pas favorables.

J'ai commenté, il y a quelques temps(2), l'affirmation de nos Sages selon laquelle l'obligation, pour les adultes, de surveiller les enfants s'applique dans trois domaines spécifiques, l'interdiction des reptiles, du sang et de l'impureté.

On peut en déduire une idée pour le projet pédagogique, celle de la responsabilité des adultes envers les enfants.

En effet(3), l'élève est un "enfant" par le niveau de ses connaissances. Il reçoit une éducation et il est donc "petit" par rapport à "l'adulte" qui la lui dispense. Or, il peut parfois ne pas accepter les directives qui lui sont données ou bien en diminuer la portée. Cette situation peut avoir différentes raisons qui, de façon générale, sont au nombre de trois:

A) On peut considérer que les hommes, à l'époque actuelle, dans un certain endroit, sont rudes et grossiers, "peu différents des animaux". Dès lors, comment imaginer qu'ils puissent accepter d'écouter un mot de la Torah, de craindre D.ieu? C'est pour répondre à cette objection que la Torah fait obligation à l'adulte d'empêcher l'enfant de consommer des reptiles. Il commet ainsi un acte répugnant, qui révulse tout homme sensé. Mais, il est néanmoins une Mitsva de lui donner une bonne éducation, de le mettre en garde contre de tels actes. Nos Sages affirment que D.ieu attend des hommes uniquement ce qu'ils ont la force de réaliser. Il faut en conclure que l'éducateur a le pouvoir d'intervenir et de convaincre.

B) On peut également avancer que l'éducation est efficace pour faire acquérir des notions nouvelles, dont on n'avait pas connaissance auparavant. A l'opposé, les actes courants et habituels sont définitivement acquis dans le comportement de l'enfant et il n'y a aucun espoir de les changer. C'est pour infirmer cette idée que les adultes sont tenus d'empêcher les enfants de consommer du sang. Commentant le verset "sois fort et ne consomme pas de sang", nos Sages expliquent que les hommes éprouvaient auparavant une attirance particulière pour sa consommation. On peut en conclure que, dans ce domaine également, l'éducation est positive et efficace.

C) On peut encore estimer que l'éducation est envisageable uniquement lorsqu'une approche rationnelle peut être proposée aux élèves. En revanche, ce qui dépend uniquement de la foi et de la soumission ne peut en aucune façon leur être transmis, dès lors qu'ils affirment ne pas croire. C'est pour cela que la Torah demande aux adultes de s'assurer que les enfants ne se rendent pas impurs. Une telle attitude n'est pas basée sur la logique, mais uniquement sur une disposition de la Torah. Ainsi, le Rambam écrit: "Il est bien clair que l'impureté et la pureté sont des décisions de la Torah, dont l'homme ne peut avoir une approche rationnelle. Ces principes font partie des Décrets de la Torah(4)".

De quelle utilité seront l'éducation, l'effort et le dévouement dans ces domaines et pour de telles personnes? On peut le déduire de ce que dit le Rambam, à propos de chaque Juif, sans la moindre distinction(5): "Celui qui, victime de son mauvais penchant, décide de négliger une Mitsva ou de commettre une transgression, puis qui, parce qu'il a reçu des coups, accomplit cette Mitsva ou s'écarte de cette transgression, n'est nullement considéré comme ayant agi sous l'effet de la contrainte. Bien au contraire, c'est lui qui s'était auparavant placé sous l'emprise du mal."

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Le Kovets Loubavitch.
(2) Voir, à ce propos, la lettre n°72, ainsi que la lettre précédente.
(3) La fin de cette lettre reprend celle de la précédente.
(4) Qui transcendent la logique.
(5) Voir la note 5 de la lettre précédente.