Lettre n° 116

Par la grâce de D.ieu,
Mercredi 11 Kislev Au Rav distingué ...

Je vous salue et vous bénis,

J'ai bien reçu votre lettre, à laquelle était jointe un dollar et votre plainte, selon laquelle on vous importune en vous envoyant des livres.

Il n'y avait là aucune intention de vous importuner. Nos Sages ne disent-ils pas que tous les Juifs sont saints? Il était clairement dit dans la lettre accompagnant le livre que vous pouviez le rendre s'il ne vous satisfaisait pas, pour une quelconque raison.

Me basant sur l'enseignement de nos Sages, je vous rends, ci-joint, votre dollar. Quant au Kountrass Oumayan, il est inutile de le rendre. Vous pouvez le conserver. Il a été adressé gracieusement à plusieurs personnes. Je suis convaincu que, si vous consultez ce livre, vous y trouverez de l'intérêt. En tout état de cause, il n'a nul besoin de ma recommandation.

J'ai été très surpris par votre lettre. A propos de l'envoi de livres, vous citez des références dans la Torah et dans le Choul'han Arou'h. Pour ce dernier, vous faites sans doute allusion au paragraphe suivant: "Il est interdit de demander à l'emprunteur de rembourser lorsque l'on sait qu'il n'est pas en mesure de le faire. En pareil cas, le créancier ne doit même pas se présenter devant lui, car, dès lors qu'il le voit, il est humilié, sachant qu'il ne peut le payer".

Concernant la Hala'ha, vos propos sont, à mon humble avis, très surprenants et je voudrais développer mon propos, à ce sujet. Plusieurs points avancés par vous suscitent ma surprise:

A) Le verset de la Torah que vous citez interdit de mettre le prêteur en difficulté. Mais ce verset, au même titre que le Choul'han Arou'h, que nous venons de citer, s'applique uniquement lorsque l'on sait qu'il est incapable de payer. C'est ce qu'indiquent le Talmud et les Décisionnaires.

Le créancier qui n'est pas certain que cet homme puisse le rembourser doit-il s'abstenir de lui réclamer la dette, au bénéfice du doute? Le Min'hat 'Hinou'h indique que la formulation du Choul'han Arou'h ne permet pas d'affirmer que ce soit le cas. Combien plus est-ce le cas pour ce qui nous concerne(1).

B) Ce qui est encore plus surprenant, dans votre référence à cette Hala'ha du créancier, c'est qu'elle est énoncée uniquement dans le cas d'un prêt.

Or, cette situation est très différente. D'une part, celui qui a contracté un prêt est redevable à celui qui lui a rendu un service. Il faut alors tenir compte de la personnalité humaine.

De plus, un homme ne peut être effronté devant celui qui lui a prêté de l'argent et qui lui a fait du bien. Cette situation a une incidence sur la manière de réclamer la dette et l'humiliation qui peut en résulter.

Par ailleurs, celui qui contracte une dette a une obligation de la rembourser, ce qui, bien évidemment, n'a rien à voir avec notre cas.

Bien plus, la Tsédaka est une Mitsva, mais n'a cependant pas un caractère obligatoire, comme le remboursement d'une dette, qui incombe même à celui qui n'en a pas les moyens. A l'opposé, celui qui n'a aucun moyen d'assurer sa subsistance n'est pas tenu de donner de la Tsédaka. En tout état de cause, on ne peut avoir un rôle de créancier, lorsqu'il s'agit de Tsédaka. Ce terme est, certes, employé, au sens figuré, par nos Sages, mais cette disposition ne vient pas de la Torah. Bien plus, il est utilisé uniquement lorsque quelqu'un exige qu'on lui donne de la Tsédaka, comme le précisent le Rambam et le Choul'han Arou'h. Il est, en revanche, interdit que le créancier se montre, devant celui qui lui doit de l'argent(...).

C) Le Talmud et les Décisionnaires établissent qu'il était courant, lorsque l'on voulait vendre une marchandise, de la proposer d'une maison à l'autre. Nul ne remet en cause une telle pratique, surtout lorsque cette vente est faite par correspondance et non oralement. Il est alors plus aisé de refuser.

Notre pratique ne peut donc en aucune manière être remise en cause.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, de délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(2)

Notes

(1) Dans la comparaison entre la vente d'un livre par correspondance et le remboursement d'une dette.
(2) De Kehot.