Discours prononcé par le Rabbi, le 10 Chevat 5714-1954 à l'occasion de la Hiloula du Rabbi Yossef Yits'hak, précédent Rabbi de Loubavitch

De façon générale, tous les maîtres de la 'Hassidout, y compris mon beau-père, le Rabbi, ne forment qu'une seule et même entité, chacun d'entre eux ayant accompli tout ce qui pouvait l'être par leur intermédiaire. C'est, du reste, en ce sens qu'ils sont les successeurs de leur ancêtres, dont ils occupent pleinement la place.
Pour autant, chaque Rabbi eut également son domaine spécifique, dans lequel il investissait toute son ardeur et par l'intermédiaire duquel il menait à bien toutes les autres tâches.
Igueret Hakodech explique la question, posée par nos Sages et dont la Guemara fait mention : " Quelle est la pratique que ton père accomplissait le plus scrupuleusement ? ", bien que celui-ci ait été lui-même un Sage, mettant en pratique l'ensemble des Mitsvot. Il en était une, cependant, qui constituait le " portique " par lequel son âme recevait l'élévation et qui la transmettait également à la Torah et aux Mitsvot qu'il réalisait par ailleurs.
C'est la raison pour laquelle mon beau-père, le Rabbi, rattache, dans ses causeries, chacun de ses prédécesseurs à une Sefira, à un Attribut divin spécifique. Il indique ainsi que le Baal Chem Tov et le Maguid de Mézéritch correspondent aux deux parties de Kéter, la couronne qui surplombe l'enchaînement des mon-des. L'Admour Hazaken est lié à 'Ho'hma, l'Attribut de découverte intellectuelle et l'Admour Haémtsahi à Bina, celui de l'analyse raisonnée.
Et, l'on sait que chaque Sefira porte en elle toutes les autres. Néanmoins, la Sefira en laquelle les autres sont incluses est alors dominante. Or, il en est de même pour nos maîtres. Ce qui a concentré l'attention de chacun, à son époque, en fonction de la Sefira à laquelle il est rattaché, porte bien en lui ce qui a été l'œuvre de tous les autres maîtres.
Le domaine de prédilection du Rabbi, dont nous célébrons la Hilloula le 10 Chevat était l'application concrète de toute chose, de la manière la plus large.

Le Rabbi n' a jamais été effrayé par la situation de son interlocuteur, que sa crainte de D.ieu ait été irréprochable, moyenne ou bien qu'il était été victime de la folie imposée par l'âme animale, occultant la vérité, au point de ne même plus avoir conscience de la nécessité d'accéder à la Techouva. Le Rabbi se consacrait à chacun, qui qu'il soit. Très souvent, il rendait des services matériels qui, en conséquence, étaient également des services spirituels.

La Guemara dit que " nul n'adopte une position effrontée envers celui qui lui a rendu service ". Mais, pour cela, il faut que l'on ait conscience d'avoir effectivement bénéficié de ce service et que l'on en ait également profité moralement.

Certes, l'Admour Hazaken dit, dans le Tanya, que " si ce n'est pas le cas, on n'en a pas perdu pour autant la récompense liée à la Mitsva d'aimer son prochain ". Mais, avant tout, il s'agit bien de guider telle personne vers la Techouva, de lui permettre d'adopter le comportement qui convient.

L'optique adoptée par le Rabbi fut également celle du premier chef, du premier berger d'Israël, Moché, notre maître.

Le verset rapporte que : " voici les paroles que Moché prononça ", des paroles de réprimandes, qu'il dit " après avoir frappé Si'hon ". Car, c'est seulement après avoir rendu service à quelqu'un que l'on peut lui faire des reproches. Ainsi, il les acceptera et elles feront leur effet.

Il en est donc de même pour le Moché de chaque génération. Celui-ci doit, tout d'abord, faire le bien, accorder sa bénédiction, conférer la réussite. C'est ensuite seulement qu'il peut réprimander. Il ne peut procéder autrement, même si ses reproches portent sur le veau d'or, qui remet en cause le principe même de la foi.

On posa, une fois, au Rabbi, dont nous célébrons la Hilloula, la question suivante : " Pourquoi être proche de tous les Juifs, y compris de ceux que nos Sages définissent comme peu recommandables ? ".

Le Rabbi fit la réponse suivante :

" Le Choul'han Arou'h compte quatre parties, Ora'h 'Haïm, Yoré Déa, Even Haézer et 'Hochen Michpat. Les lois concernant ceux qu'il convient d'écarter se trouvent dans la dernière partie, le 'Hochen Michpat et, au sein même de ce volume, dans les tous derniers chapitres.

Il convient donc d'adopter l'ordre d'étude précédemment cité, d'appliquer tous les chapitres d'Ora'h 'Haïm, ceux de Yoré Déa, ceux d'Even Haézer, puis la majeure partie de 'Hochen Michpat. C'est après tout cela que l'on parvient aux chapitres concernés et que l'on détermine si telle personne doit être écartée, ce qu'à D.ieu ne plaise. "
La signification profonde de cette réponse est la suivante.

Lorsque l'on rend service à quelqu'un, il est bien clair que l'on accomplit une Mitsva. En revanche, si l'on agit mal envers lui et si l'on prétend, en outre, qu'une telle attitude est basée sur la Torah, on peut, tout d'abord, mal interpréter la Hala'ha. On peut aussi, rechercher son intérêt personnel et attaquer son prochain parce qu'on le désire et non parce que le Choul'han Arou'h le demande.
Ainsi, il est dit qu'un juge doit être un homme bon, capable d'accorder des circonstances atténuantes à l'accusé. Même s'il le condamne à la flagellation, ou émet un verdict encore plus sévère, il ne sera pas capable d'appliquer lui-même la sentence, bien que celle-ci soit entérinée par le Choul'han Arou'h. En effet, un juge ne peut en aucune façon supporter la peine de l'autre. C'est donc un émissaire du tribunal qui mettra sa décision en pratique.
Mais, il est une exception à cette règle, le Juste parfait, comme le prophète Chmouel, qui ne possédait pas d'existence propre et dont l'unique objectif était d'accomplir la Volonté de D.ieu. Il tua donc lui-même Agag.

Les 'Hassidim souhaitent imiter le comportement de leur Rabbi. Ils doivent donc savoir comment entrer en relation avec quelqu'un qui leur est inférieur, afin que celui-ci n'exerce pas une influence négative sur eux, ce qu'à D.ieu ne plaise. Pour autant, il ne faut pas l'écarter. Bien au contraire, on doit l'élever, lui rendre service, y compris matériellement. C'est de cette manière que l'on pourra, par la suite, lui rendre service moralement.
Commentant le verset " D.ieu illumine les yeux de l'un et de l'autre ", nos Sages soulignent que D.ieu vient en aide à celui qui aide les autres, qu'il lui permet de se maintenir sur le droit chemin, qu'il satisfait, de Sa main large, tous ses besoins, de même que ceux des membres de sa famille.
C'est donc de cette manière que l'on reçoit les bienfaits de D.ieu, qui sont infinis, que D.ieu accorde également le réceptacle permettant de les révéler et de les contenir.